Déclaration finale des Co-Présidents
Cette déclaration reflète les conclusions tirées par les Co-Présidents et attire l'attention sur un certain nombre de problèmes qui ont fait l'objet des débats durant la réunion du Forum de la CMA.
Nous avons été très impressionnés par la franchise et la profondeur des analyses des participants, sur l'ampleur et l'impact de la corruption. Il y a seulement quelques années, il aurait été impossible de discuter de la corruption de la manière ouverte qui a prévalu lors de nos discussions.
La corruption est un phénomène universel et la façon dont elle se manifeste diffère selon les pays. Nous pensons que la réunion a permis une plus grande compréhension du problème de la corruption dans les pays africains, ainsi que de l'effet dévastateur qu'elle a sur leur développement.
Il est clair que dans plusieurs pays africains la corruption est un problème complexe qui demande qu'un grand nombre d'actions soient entreprises. Il est également clair que la corruption en Afrique (comme ailleurs) n'est pas un problème purement interne. Les transactions commerciales internationales sont une source de pratiques de corruption. Il semble aussi que dans certains cas, la recherche de situation de rente et la corruption se constatent, même dans le cadre de l'aide au développement.
Il est évident, sur la base de nos discussions, que les pays africains ne peuvent pas supporter les coûts associés à la corruption. Celle-ci dégrade les systèmes politiques, sociaux et économiques des pays. Elle ronge la légitimité des gouvernements, mine le fonctionnement normal des institutions, et limite les possibilités de progrès des peuples résultant de leurs propres efforts.
Les citoyens moyens et plus particulièrement les pauvres, sont les premières victimes de la corruption. Dans la plupart des pays africains, la petite corruption est très répandue, mais la grande corruption est peut être plus nocive, du fait du niveau des ressources en cause.
En abordant les causes et l'ampleur des problèmes durant la réunion, il est apparu clairement que bien que la corruption puisse être la conséquence de la pauvreté, elle est souvent due à l'appât du gain. Nous avons aussi admis que les inégalités de revenus exacerbent le problème. Nous avons constaté que la corruption interne implique souvent l'utilisation de pouvoirs discrétionnaires pour accorder des licences lucratives et des concessions à la famille, aux amis et aux partenaires politiques. De plus, les dessous-de-table et l'extortion dans la passation des marchés publiques, les appels d'offre et les contrats existent, tant au niveau national qu'international.
Nos discussions ont mis en lumière le fait que dans les pays africains, les gens intègrent la fonction publique parcequ'ils pensent obtenir un accès préférentiel ou une situation de rente. Nous avons aussi reconnu qu'un système compliqué de collecte de recettes et de mécanismes administratifs, une autorité hautement discrétionaire, et des dépenses et des recettes hors-budget qui ne sont pas dûment comptabilisées, poussent à la corruption. Les travailleurs fantômes et même des faux services administratifs, sont une des manifestations de ce phénomène.
Nous avons noté que la corruption interne peut comprendre la diversion et aussi le pillage réel de fonds publics par des agents de l'Etat de haut rang et par des politiciens. La corruption à ce niveau, encourage l'imitation à des niveaux inférieurs menant à une petite corruption généralisée. Les participants ont aussi fait des commentaires sur les incidences croissantes de la corruption dans le secteur privé.
Il était clair, durant nos discussions, qu'il faut porter l'attention à la fois sur les corrupteurs et sur les corrompus, si l'on veut vraiment résoudre le problème de la corruption.
Au niveau international, les pôts-de-vins dans les transactions d'affaires sont un souci majeur, et la communauté d'affaires internationale doit devenir un partenaire dans la lutte contre la corruption. Il y a aussi un besoin d'une action dans le domaine de l'aide au développement car la passation de marchés financés par l'aide, l'aide-liée et la fourniture d'assistance technique ont facilité la recherche de situation de rente, et réduit l'utilisation effective des fonds de l'aide au développement.
Dans nos discussions, nous avons noté le lien entre la corruption et l'évasion des capitaux, dans la mesure où l'essentiel de l'argent obtenu à travers les pratiques de corruption se retrouve dans les paradis fiscaux des pays développés. Les lois et les règlements qui gouvernent le système bancaire international rendent difficiles la recherche et le recouvrement de telles sommes d'argent.
Au cours de la réunion, nous avons été informés de certains des efforts qui sont déployés, à la fois par les pays africains eux-mêmes et au niveau international, pour combattre la corruption. Cependant, il n'y a pas là matière à complaisance. En vérité, nos discussions ici ont mis l'accent sur le fait qu'une action urgente est nécessaire. Tout au long de la réunion, on a souligné à maintes reprises, que la corruption doit être combattue sans cesse et avec vigilance, par les gouvernements, par la société civile, par le monde des affaires, et par la communauté internationale.
Combattre la corruption requiert volonté politique et engagement. Surtout, le leadership africain au plus haut niveau doit donner l'exemple, sans ambiguité, de la transparence et de la responsabilité dans l'utilisation des ressources publiques. Cela demande aussi la mise sur pied d'une large coalition comprenant le gouvernement, la société civile et le monde des affaires.
Au niveau national, une presse libre et professionnelle est essentielle. Les organisations de la société civile ont un rôle important à jouer pour susciter une prise de conscience de la population, des coûts et des conséquences de la corruption. Les institutions étatiques (parlement, fonction publique et système judiciaire) doivent aussi être renforcés pour fournir des systèmes de vérification et de contrepoids dans la lutte contre la corruption.
Cependant, à moins qu'il y ait un environnement favorable, fait de transparence et de responsabilité, les efforts spécifiques contre la corruption ne seront pas couronnés de succès. Des éléments fondamentaux de base, tel un système judiciaire effectif et une adhésion totale à la règle de droit, doivent être mis en place.
La mise en oeuvre continue des réformes économiques, réduira à terme les distortions, les règlementations excessives, et l'arbitraire administratif, toutes choses qui favorisent les situations de rente. Les améliorations en matière de bonne gouvernance limiteront les occasions menant à la corruption et pousseront à la transparence et à la responsabilisation, révélatrice de la corruption. Un climat de concurrence libre et ouvert rendra plus difficile les actions de corruption, et en facilitera la détection.
Nos discussions ont aussi mis l'accent sur l'importance du renforcement des capacités à tous les niveaux, si l'on veut réduire la corruption.
L'importance des efforts régionaux et sous-régionaux pour combattre la corruption, y compris les accords juridiques de réciprocité, a été soulignée.
Au niveau international, une action spécifique pour limiter la corruption dans la passation des marchés publics pouvait avoir un impact significatif. Nous avons discuté d'une initiative impliquant un nombre de pays africains pour combattre la corruption dans la passation des marchés au niveau international. Entre autres solutions, ceci concernerait:
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l'introduction d'une clause anti-corruption dans les contrats ayant lieu lors de la passation de marchés publics; |
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l'engagement public des dirigeants des sociétés soumissionaires de ne pas verser de pôts-de-vins et de sanctionner les employés coupables de corruption; |
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l'engagement des dirigeants africains de mettre en oeuvre des mesures punitives sévères contre ceux qui se seraient rendus coupables dans l'octroi ou l'obtention de dessous-de-table; et |
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l'engagement des bailleurs de fonds qui financeraient de tels marchés, d'imposer aussi des pénalités lourdes contre les firmes coupables de telles pratiques. |
Des mesures similaires pourraient aussi être appliquées à des contrats résultant de la privatisation des entreprises publiques et de l'exploitation des ressources naturelles.
Durant la réunion, il a aussi été fait référence à la convention de l'OCDE qui va criminaliser les dessous-de-table transnationaux et mettre fin à l'abattement fiscal de telles pratiques. Nous lançons un appel aux pays de l'OCDE pour ratifier cette convention. Nous leur demandons aussi de mettre en oeuvre les directives du CAD en matière de passation des marchés, quand il s'agit d'utilisation de fonds de l'aide publique au développement.
Il y a aussi un besoin d'ériger des barrières contre le transfert illicite de fonds obtenus, comme résultant de pratiques de corruption, vers les institutions financières du monde occidental. La règlemenation internationale qui prévaut aujourd'hui contre le blanchissement de l'argent devrait être renforcée et étendue. On devrait aussi exercer une pression sur le système bancaire international pour une coopération plus effective avec les pays qui cherchent à recouvrer les fonds obtenus à travers des pratiques liées à la corruption.
Lors de la réunion, nous nous sommes mis d' accord pour dire qu'il y a un niveau raisonnable d'analyses sur la corruption, et même un consensus sur ce qui devrait être fait. Il y a désormais un besoin exprimé d'un passage aux actions concrètes.
Des campagnes anti-corruption bien ciblées seront nécessaires dans beaucoup, sinon dans tous les pays africains. A l'évidence, de telles campagnes, pour qu' elles réussissent, doivent répondre aux besoins de chaque pays en particulier, mais toutes les campagnes contre la corruption qui réussissent ont des éléments en commun, qui sont:
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un appui direct et vigoureux au plus haut niveau de ceux qui dirigent politiquement le pays; |
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des mécanismes qui garantissent la transparence et la responsabilité dans toutes les opérations de l'Etat et plus particulièrement les transactions financières; |
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l'appui à une presse libre pour sensibiliser vigoureusement l'opinion publique sur les coûts et les conséquences de la corruption; |
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la création de corps de contrôle indépendants, tels que les bureaux anti-corruption, les auditeurs généraux et les médiateurs; |
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la réduction et la simplification de la règlementation administrative, et plus particulièrement celle qui a trait à l'octroi de licences et de permis; |
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la lutte contre la corruption dans les grands contrats de passation de marché, avec l'appui des institutions financières internationales et de bailleurs de fonds bilatéraux. |
Pour sa part, la communauté internationale devrait:
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réagir rapidement pour criminaliser les pots-de-vins dans les transactions commerciales et mettre à fin à la déductibilité d'impôts pour ces pots-de-vin; |
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ratifier rapidement les accords anti-corruption de l'OCDE et mettre en oeuvre la législation nécessaire à la lutte contre la corruption; |
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cesser de traiter les pratiques de corruption comme des activités commerciales normales, mettre fin aux subventions et appliquer des sanctions, y compris l'établissement d'une liste noire contre les firmes convaincues de pratiques de corruption; et |
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fournir un appui aux pays africains pour renforcer les capacités et créer des systèmes propres à combattre les pratiques de corruption. |
Par dessus tout, une mise en oeuvre effective de telles actions par les pays africains et les pays donateurs, est cruciale. Personne ne doit être considéré comme au-dessus de la loi, ou protégé contre les poursuites judiciaires dans les cas de corruption.
Pour conclure, il apparait de manière tout à fait définitive que le temps est venu pour un effort international concerté, afin de mettre en oeuvre des mesures destinées à prévenir et à combattre la corruption. Cette réunion a montré que l'engagement existe. Nous avons tous à faire en sorte que cet engagement se traduise en action et que des progrès tangibles soient réalisés. Nous le devons aux peubles des pays africains qui sont ceux qui souffrent des effets dévastateurs de la corruption.
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