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L'AFRIQUE ET LE COMMERCE INTERNATIONAL: STRATÉGIES POUR UNE PARTICIPATION EFFECTIVE AU MARCHÉ MONDIALE
Abidjan, Cote d'Ivoire, 23-24 mai 1997
GCA/EC/N.2/5/1997
 

Les responsables africains, comme leurs partenaires pour le développement, sinquiètent de la place quoccupe lAfrique subsaharienne au sein de lordre commercial international qui sinstaure aujourdhui. Cette préoccupation, et la crainte que lAfrique se trouve encore plus marginalisée dans le cadre du système financier et commercial naissant sont fondées, compte tenu des résultats assez modestes enregistrés dans le passé par la région en matière de commerce mondial, de la possibilité que cette situation persiste si des mesures radicales ne sont pas prises, et de labsence de participation active de lAfrique aux négociations commerciales multilatérales, y compris les négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round qui viennent de sachever.

Le présent document aborde certains des problèmes clés du commerce international qui intéressent les pays africains. Après avoir brièvement passé en revue les tendances récentes de la performance commerciale de lAfrique, il offre une vue densemble des problèmes actuels du commerce international. Puis, il propose les mesures quil appartient aux pays africains eux-mêmes de prendre, en même temps quil indique ce que doit faire la communauté internationale, de son coté, pour redynamiser les exportations et améliorer la compétitivité internationale des pays africains.

LA PERFORMANCE EXPORTATRICE DE LAFRIQUE À CE JOUR

Le commerce mondial de marchandises a augmenté rapidement, tant en volume quen valeur au cours des quinze dernières années. Mais, lAfrique na pas pris part à cette expansion quasiment mondiale du commerce, et cela, en bonne partie, en raison de la structure de ses exportations et des politiques menées par les différents pays du continent.

Après avoir connu une baisse moyenne annuelle de 1 % sur la période 1980-85, le commerce mondial des marchandises sest redressé, au point denregistrer des taux de croissance annuelle moyens impressionnants : 12 %, entre 1985 et 1990, et 7,5 %, entre 1990 et 1995. Les exportations de lAsie ont augmenté plus vite que la moyenne mondiale sur lensemble de la période 1980-95. En Amérique latine, elles nont pas augmenté en 1980-85, mais elles ont connu une croissance annuelle moyenne de 6 % et 9 %, respectivement, en 1985-90 et 1990-95. LAfrique, quant à elle, a non seulement enregistré une baisse beaucoup plus forte (8 % par an en moyenne entre 1980 et 1985), mais aussi une croissance beaucoup plus modeste (5 % par an en moyenne au cours de la période 1985-90), avant de voir le taux de croissance annuelle moyen de ses exportations retomber à 0 % au cours des cinq années suivantes. Il faudrait cependant noter que les pays africains ont libéralisé leur commerce extérieur et ont généralement adopté des politiques d'ouverture vers l'extérieur, ont connu une croissance respectable de leur commerce. De plus, durant les deux dernières années la performance de l'Afrique en matière de commerce semble s'être améliorée. Néanmoins, la performance globale décevante de la région et la perte continue et significative de parts de marché, sont les problèmes qui restent à résoudre.

La part de lAfrique dans le total des exportations mondiales de marchandises a chuté dà peu près les deux tiers, tombant de presque 6 % en 1980 à environ 2 % en 1995. À titre de comparaison, lAmérique latine a réussi à maintenir sa part à environ 5 % pendant toute la période, tandis que lAsie la doublait, pour passer denviron 16 % à 27 % du total. Alors que lAfrique dominait les marchés des produits de base, comme le cacao, le café, le caoutchouc, les épices et létain il y a tout juste trois décennies, lAmérique latine et, surtout, les pays dAsie, détiennent aujourdhui des parts de marché significatives. Au cours de la période 1965-90, lAfrique a perdu des parts de marché pour 31 produits dexportation primaires sur 43, tandis que, pour les cultures commerciales, ses parts de marché diminuaient dans 22 cas sur 33.

Malgré cette perte de parts de marché, la plupart des pays africains continuent de devoir lessentiel de leurs recettes dexportation à quelques produits primaires. En 1970, les produits primaires représentaient 70 % des exportations de lAfrique ; en 1995, ils en représentaient encore 65 %. La faible élasticité de ces produits par rapport aux revenus et aux prix, ainsi que la volatilité des cours des produits de base et leur baisse en termes réels, fait que les pays africains lourdement tributaires de ces produits ont souffert bien davantage des chocs qui altèrent négativement les termes de léchange que dautres pays.

Vu cette dépendance à légard des produits primaires, lAfrique a souffert de la mollesse de la croissance du marché mondial des produits primaires la part de ces derniers dans les exportations mondiales a diminué de près de 50 % au cours des quinze dernières années, tombant de plus de 42 % en 1980 à seulement 22 % en 1995. Toutefois, la diminution de la part des exportations de lAfrique dans le total des exportations mondiales tient aussi, et surtout, au fait quelle na pas réussi à concevoir et développer dautres produits dexportation, comme les produits manufacturés, et quelle na même pas réussi à conserver sa part du marché des produits primaires. Des politiques et un environnement réglementaire inadéquats, le manque de capacités dans le secteur public et privé, des insuffisances en matière d'infrastructure et de services d'appui, expliquent en partie la faible performance des pays africains en matière d'exportations.

À la différence des pays dAsie de lEst qui ont énergiquement appliqué des politiques axées sur lexportation, de nombreux gouvernements africains ont exagérément taxé les produits dexportation primaires et nont pas suffisamment soutenu lagriculture dexportation. Ainsi, faute de mettre en oeuvre des moyens essentiels qui auraient permis de réduire sensiblement les coûts de production et de transaction de la région, les pays africains ont perdu leur compétitivité à lexportation. Dans certains pays dAsie, par exemple, les coûts de production du café sont inférieurs de quelque 50 % à ceux des pays africains.

Les données empiriques tendent à montrer quil existe une corrélation positive entre industrie manufacturière, croissance des exportations, et croissance du revenu réel. La croissance du total des exportations comme la contribution de cette croissance à celle du revenu réel sont généralement plus fortes lorsque les exportations de produits manufacturés représentent une part plus élevée du total des exportations. Toutefois, les stratégies dindustrialisation axées sur le remplacement des importations, modèle dominant appliqué par la plupart des pays africains dans les années 60 et 70, ont rendu la production pour le marché intérieur plus intéressante que la production pour lexportation. Il ny a eu ni actions délibérées de promotion des exportations, ni mesures visant à éliminer ou contrebalancer cette distorsion qui par essence pénalise les exportations, si bien que la capacité dexportation manufacturière de lAfrique demeure insignifiante par rapport à celle de lAsie ou de lAmérique latine.

LAFRIQUE ET LE CONTEXTE DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX

Le régime commercial issu des Accords dUruguay, dont lOMC est chargé dassurer le respect, les imminentes négociations sur lavenir de la Convention de Lomé et les questions relatives à la mondialisation et au régionalisme comptent parmi les caractéristiques et éléments les plus importants du cadre actuel du commerce international que les pays africains doivent évaluer pour pouvoir y réagir.

A. Préférences spéciales et commerce africain

Historiquement, les préférences commerciales ont toujours été une caractéristique assez courante du système commercial mondial. Aujourd'hui, près de 50 % des échanges de produits manufacturés interviennent dans le cadre de divers types darrangements commerciaux préférentiels. Pour le commerce africain, ces préférences ont un impact qui tient avant tout au rôle important joué par lensemble des pays de lOCDE en tant que débouché, et plus particulièrement pour ses exportations. Au sein de lOCDE, le débouché que représente lUnion européenne (UE) est très significatif. Les pays en développement et les pays les moins avancés, dont ceux dAfrique subsaharienne, bénéficient de préférences commerciales non négligeables, soit en vertu du système généralisé de préférences (SPG) des pays de lOCDE, soit en vertu des accords commerciaux préférentiels de la Convention de Lomé signée entre les pays ACP et lUE. La part de lUE dans le total des exportations de lAfrique subsaharienne sétablit à plus de 45 %, et en raison des préférences, plus de 90 % des exportations du pays moyen dAfrique subsaharienne entrent sur le marché de lUE en franchise de droits, tandis que lAmérique du Nord reçoit plus de 20 % des exportations africaines, et le marché japonais en absorbe moins de 3 %.

1. La Convention de Lomé et les autres préférences commerciales

Depuis 1975, les relations commerciales entre lUE et les pays dAfrique subsaharienne, à lexclusion de lAfrique du Sud sont essentiellement régies par des dispositions préférentielles qui sinscrivent dans le cadre général de la Convention de Lomé. Que ce soit à la fois en termes de marges de préférence accordées ou de gammes des exportations couvertes, la Convention de Lomé offre aux pays africains un système de préférences plus favorable que tous les autres programmes préférentiels dont ils pourraient se réclamer. Il sagit de préférences contractuelles, en ce sens quelles sont convenues dun commun accord entre lUE et ses partenaires de lAfrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et ne peuvent être ni modifiées ni abrogées de manière unilatérale. Les préférences commerciales de Lomé sont aussi dépourvues de tout caractère de réciprocité. Ainsi, tout en permettant lentrée en franchise de droits ou à des taux préférentiels bas des exportations des pays ACP sur le marché de lUE, elles nexigent pas des pays bénéficiaires ACP quils accordent la même préférence daccès aux produits de lUE.

Les dispositions commerciales de Lomé prévoient aussi des mécanismes spéciaux de stabilisation des recettes dexportation des pays ACP pour certains produits primaires, comme STABEX, pour les produits agricoles, et SYSMIN, pour les minéraux, par exemple. Par ailleurs, les préférences de Lomé exemptent les textiles et lhabillement des restrictions quantitatives dentrée sur le marché de lUE auxquelles sont soumis les pays en développement non-ACP en vertu des disciplines de larrangement multifibres (AMF). Cette exemption a permis à quelques exportateurs africains de textiles et habillement, comme Maurice, daccroître et de diversifier rapidement leurs exportations. En outre, les préférences de Lomé offrent des prix généreux et une garantie dentrée à des quantités précises dexportations dans le cadre des protocoles daccord couvrant les bananes, le sucre, le boeuf, le veau et le rhum. Ces dernières dispositions ont profité aux exportations de viande du Botswana et de sucre de Maurice.

La plupart des pays dAfrique subsaharienne tirent dimportants avantages des programmes de SPG des pays de lOCDE, en particulier de ceux des États-Unis et du Japon. Plusieurs programmes de SPG offrent aux pays les moins avancés des régimes tarifaires préférentiels encore plus bas que ceux dont bénéficient les pays en développement dans le cadre des programmes de SPG « normaux ». Toutefois, les programmes de SPG diffèrent à bien des égards de manière significative des préférences commerciales de Lomé. Beaucoup excluent un large éventail de produits agricoles et manufacturés précis. En général, le traitement accordé dans le cadre de Systèmes généralisés de préférences est un traitement autonome, en ce sens quil est déterminé de manière unilatérale par le pays qui laccorde et peut être refusé à certains produits une fois des plafonds préétablis atteints. En outre, les programmes de SPG ont un caractère temporaire et non-contractuel, et assortissent souvent les préférences de restrictions, ou les subordonnent à des critères précis.

Du fait des préférences, le tarif douanier moyen appliqué aux exportations dAfrique et des autres pays ACP vers lUE est très bas, et nexcède pas 0,3 %. Pareils niveaux tarifaires avantagent les pays ACP par rapport aux autres pays en développement qui sont soumis à des taux de droit compris dans la fourchette 2-4 %. Les exportateurs africains bénéficient aussi de préférences sur les marchés américains et japonais, même si les taux de droits qui leur y sont appliqués sont souvent plus élevés que ceux de lUE. Toutefois, les différentes préférences commerciales ont eu un impact limité sur les résultats commerciaux de lAfrique. Malgré les dispositions fortement préférentielles de la Convention de Lomé, la part des pays ACP dans les importations de lUE est tombée de 6,7 % en 1976 à 2,8 % en 1994. Dans le même temps, la part de lAsie faisait plus que tripler, passant de 4,2 % à 13,1 %, tandis que les pays dAmérique latine et les pays méditerranéens maintenaient leurs parts respectives à 5,3 % et 6,1 %.

2. Affaiblissement des préférences

Les accords de lUruguay Round sils sont pleinement appliqués réduiront sensiblement les barrières commerciales. Les concessions tarifaires prévoient une réduction tarifaire moyenne de 43 % pour les importations de produits agricoles et de 37 % pour les produits manufacturés. À mesure que les obstacles généraux aux échanges seront levés, on se rapprochera de plus en plus des taux préférentiels faibles applicables aux exportations africaines dans les pays de lOCDE. En conséquence, la marge tarifaire préférentielle (cest-à-dire la différence entre barèmes douaniers préférentiels et ordinaires) sestompera, et les pays dAfrique subsaharienne perdront une partie des avantages de prix dont bénéficient actuellement leurs exportations sur les marchés de lOCDE.

Lestimation des pertes que pourraient enregistrer les exportations africaines du fait des accords du Cycle dUruguay varie. Se fondant sur lhypothèse que les Accords seront pleinement appliqués, que les différences de taux de droits sont le seul facteur affectant la croissance des exportations, et que la réaction doffre des exportateurs africains demeurera inchangée, une série destimations laisse prévoir que lAfrique subsaharienne accusera des pertes commerciales annuelles de plus de 500 millions de dollars en raison de laffaiblissement des préférences découlant de lUruguay Round. Pour les 30 plus gros exportateurs dAfrique subsaharienne, les pertes représenteraient jusquà 2 % de leurs recettes dexportation actuelles, et seraient considérables pour la Côte dIvoire, Maurice et le Kenya. Laffaiblissement des préférences sur les marchés japonais et américain, toujours du fait de lUruguay Round, aurait aussi une influence sensible sur les exportations africaines.

Cette série destimations correspond probablement au scénario le plus pessimiste. Une autre série destimations pèche par optimisme, bien quelle prédise quand même des pertes commerciales. Ici, lhypothèse est que les possibilités de gains préférentiels liées aux protocoles daccord agricoles, aux Accords de pêche et aux exemptions des disciplines de lAMF pour les textiles, demeureront. Sur cette base, on estime que les pays africains accuseront une perte commerciale de 7,5 millions de dollars du fait de lérosion de leur marge tarifaire préférentielle sur les marchés de lOCDE (perte encourue à plus de 70 % dans les pays de lUE). Il convient de noter toutefois que les pertes que pourraient subir les pays africains du fait de cette érosion pourraient bien être sensiblement plus élevées que cette seconde série destimations le laisse à penser, surtout si les préférences de Lomé sont sensiblement réduites dans le cadre dun arrangement futur.

Par ailleurs, plusieurs pays africains appliquent désormais un type de politique qui devrait leur permettre de tirer un meilleur parti des possibilités daccès préférentiel aux marchés. Le maintien de dispositions préférentielles pourrait donc jouer un rôle très important en aidant les pays qui mettent en oeuvre des politiques macroéconomiques saines et qui s'attaquent résolument à leurs contraintes en matière de capacité, à réaliser leur potentiel dexportation. Lexpérience de certains pays africains qui ont tiré des avantages non négligeables de préférences commerciales particulières corrobore cette thèse. Cest le cas de Maurice, du Kenya et du Zimbabwe, qui ont diversifié leur activité en se lançant dans la production de produits dexportation non traditionnels comme lhabillement et les produits horticoles, dont la réussite à cet égard peut être en grande partie attribuée aux préférences de Lomé. De la même manière, le Botswana a tiré avantage dexportations de boeuf à destination de lUE favorisées par le protocole daccord sur le boeuf et le veau, tandis que Maurice tirait parti du soutien des prix et de laccès garanti au marché prévus par le protocole daccord sur le sucre.

3. Lavenir des relations commerciales avec lUE

LUnion européenne est historiquement la principale destination des exportations, et la première source des importations de lAfrique, et cette structure des échanges demeure. Les liens historiques et coloniaux, ce qui apparaissait comme des avantages économiques mutuels, et les considérations géopolitiques qui sont à lorigine de la Convention de Lomé et de ses arrangements commerciaux préférentiels ont préservé cette structure des échanges jusquà récemment. Toutefois, la présente Convention expire en lan 2000, et la possibilité que ces questions naient plus la même importance nest pas sans susciter des inquiétudes.

Deux considérations importantes sont le déplacement apparent de lintérêt géopolitique de lEurope, et le sentiment ressenti en Europe que le groupe ACP, Afrique comprise, ne constitue pas un marché intéressant pour lEurope. LUnion européenne attache désormais davantage dimportance aux relations avec lEurope centrale et orientale, ainsi quavec les pays méditerranéens, en partie pour prévenir une immigration massive en provenance de ces pays. Par ailleurs, certains membres de lUnion sont partisans délargir laccès aux préférences et concessions de Lomé à des pays en développement extérieurs au groupe ACP.

Dans une perspective à plus long terme, il ne manque pas de raisons impératives de maintenir les arrangements commerciaux préférentiels Europe-ACP. Beaucoup de pays africains offrent un potentiel inexploité considérable de ressources naturelles et humaines. Investir aujourdhui dans ce potentiel générera à terme des avantages pour toutes les parties concernées. Mais, pour cela, il faut prendre en compte la structure économique et le niveau actuel de développement des pays africains. Parce que la plupart de ces pays auront besoin de temps pour passer d'un système axé sur les recettes tirées du commerce extérieur à d'autres sources de revenus et pour se débarasser des obstacles existants en matière de capacité pour la croissance des exportations, les arrangements commerciaux avec lUE, ou dautres blocs commerciaux, devront avoir un caractère asymétrique pendant un laps de temps convenu.

On doit aussi noter que le cadre de l'OMC, basé sur les accords de l'Uruguay Round, présente des défis légaux au système commercial d'ensemble de la convention de Lomé. Plusieurs intervenants, y compris quelques pays en développement, ont soulevé des questions portant sur la compatibilité entre le système contractuel des préférences spéciales et non-réciproques de la convention de Lomé, et le nouveau système commercial multilatéral post-Uruguay. Entretemps une dérogation a été donnée pour les dispositions commerciales de la convention jusqu'à l'expiration de Lomé IV, c'est-à-dire jusqu'au 29 février 2000. Cependant, il y a une contestation légale en cours au niveau de l'OMC sur le régime de la banane de l'UE, introduite par le Guatemala, le Honduras, le Mexique et les Etats-Unis d'Amérique. Le résultat aura vraisemblablement des implications pour les autres dispositions préférentielles de la convention.

En toile de fond de ces développements, dans son Livre Vert sur la suite à donner à Lomé IV, lUE envisage plusieurs scénarios possibles :

i) le statu Quo, qui préserve le système de préférence contractuel actuel, non assorti de réciprocité, assorti d'une coopération et d'une plus grande libéralisation commerciale;

ii) lintégration au SPG, qui réduirait Lomé à un programme daide en en transférant la composante commerciale aux programmes SPG de lOCDE ;

iii) une réciprocité uniforme, qui exigerait de tous les pays ACP quils accordent aux exportations de lUE la réciprocité à lissue dune période transitoire convenue ;

iv) une réciprocité différenciée, qui conserverait les principaux éléments de la réciprocité (iii) ci-dessus, mais permettrait de diviser le groupe ACP en plusieurs sous-groupes régionaux, et/ou sous-groupes fondés sur des différences de niveau de développement économique.

À lévidence, les pays africains et autres pays ACP ont besoin dune période transitoire adéquate avant de pouvoir conclure des accords commerciaux entièrement fondés sur la réciprocité avec les pays développés. Dans ce contexte, une pareille approche pourrait comprendre les étapes suivantes:

i) maintien du statu quo actuel pendant des délais raisonnables au cours desquels les critères de différentiation, tant par région que par niveau de développement économique seront mis au point ;

ii) établissement dun cadre darrangements commerciaux Nord-Sud qui instaure des dispositions commerciales régionales entre régions ACP, y compris lAfrique subsaharienne ou ses sous-régions, dune part, et lUE et dautres blocs commerciaux, dautre part. Ce cadre introduirait un réciprocité asymétrique en obligeant les pays ACP à ouvrir progressivement leurs marchés aux exportations de lUE tout en offrant aux exportations des pays ACP, y compris de lAfrique subsaharienne, un accès immédiat total et libre au marché de lUE ; et

iii) passage à des arrangements de liberté totale et symétrique des échanges, à lissue dune période transitoire satisfaisante, convenue dun commun accord.

Cette période transitoire devra tenir compte des limitations diverses de pays se situant à des stades différents du développement. On pourrait répartir les pays ACP en deux grands groupes à laide de critères comme le revenu par habitant et la part des produits manufacturés dans le total des exportations. Les pays dont le revenu par habitant est inférieur à 1 000 dollars par an et où les produits manufacturés représentent moins de 20 % du total des exportations auront probablement besoin dune période transitoire de 20-25 ans. À ceux dont les indicateurs de performance sont supérieurs à ces seuils une période dajustement de 10-15 ans pourra sans doute suffire. Dans les deux cas, toutefois, la politique de ces pays sera dautant plus crédible que les barèmes douaniers, y compris les réductions envisagées, seront consolidés à lOMC au cours de la période transitoire convenue et au delà.

B. Le commerce africain dans le cadre de lOMC

On prend habituellement en compte divers facteurs lorsquon évalue les résultats des négociations commerciales multilatérales pour une région ou un pays. Il sagit notamment de comparer dans quelle mesure laccès du pays ou de la région aux autres marchés a été amélioré et dans quelle mesure laccès au marché intérieur doit être accru ; les contraintes nouvelles ou le surcroît de contraintes que la négociation fait peser sur lautonomie de la politique intérieure ; et les obligations nouvelles auxquelles le pays ou la région doit satisfaire du fait de linstauration des nouvelles règles, y compris les nouvelles contraintes ou l'accroissement de celles-ci sur l'autonomie des politiques internes.

Limpact de lUruguay Round se situe au-delà de ces considérations parce que, entre autres, les accords négociés ont abouti à la création de lOrganisation mondiale du commerce (OMC). Celle-ci, de fait, offre un cadre institutionnel nouveau et plus solide à un processus de négociation permanent, qui vise à étendre les frontières de la règlementation commerciale multilatérale et sa mise en oeuvre effective. À ce titre, lOMC influencera de plus en plus la politique commerciale des pays africains et leur intégration à léconomie mondiale, et définira leurs relations commerciales et dinvestissements avec le reste du monde.

1. Conséquences des Accords de lUruguay Round sur le commerce africain

LAfrique subsaharienne est la région qui a le moins à gagner - et la seule qui risque même de pâtir -- des accords issus de lUruguay Round. Limpact densemble de ces accords sur le commerce de marchandises de lAfrique a donné lieu à diverses estimations. Exprimées en termes dévolution du produit intérieur brut, ces estimations varient de ­0,2 % à -0,73 % pour les estimations négatives et de 0,8 % à 1,4 % pour celles qui sont positives. En termes dévolution des exportations, elles laissent à penser que, pour lAfrique subsaharienne, laugmentation résultant de lUruguay Round pourrait se limiter à 2 %, soit moins de 600 millions de dollars. Ces médiocres perspectives sont attribuées au fait que la majorité des pays africains sont des importateurs nets de produits alimentaires, bénéficiaires des préférences commerciales, et sont terriblement tributaires des exportations de produits primaires, auxquels lUruguay Round na ouvert aucun débouché nouveau.

Les négociations de lUruguay Round ont porté sur trois principaux secteurs -- lagriculture, lindustrie et les services -- en plus de diverses questions systémiques. Les résultats dans chacun de ces domaines ont des répercussions sur laccès de lAfrique aux marchés.

a) Agriculture

En bref, lUruguay Round a abouti à un accord de consolidation des droits applicables à tous les produits agricoles, tant pour les pays développés que pour les pays en développement. Par ailleurs, toutes les restrictions quantitatives seront levées et transformées en droits de douane, tandis que les subventions aux importations comme aux exportations seront réduites par les pays développés et les pays en développement, à des horizons différents. En fin de compte, les réductions tarifaires résultant du Cycle représentent en moyenne 37 % sur lensemble des produits agricoles. Mais les pays africains nen tireront pas grand avantage, car la plupart de leurs exportations agricoles nétaient déjà soumises quà de rares barrières douanières, généralement faibles.

En revanche, laccord tendant à réduire les subventions et à lever les restrictions quantitatives sur les cultures de climat tempéré aura vraisemblablement un impact négatif sur les pays dAfrique importateurs nets de produits alimentaires en augmentant considérablement leur facture annuelle dimportations. Cette disposition a suscité une inquiétude considérable, et lOMC sest engagée à aider ceux de ces pays importateurs nets qui ont un revenu faible. Toutefois, bien que la Conférence ministérielle de Singapour de l'OMC ait réitéré cet engagement, aucun mécanisme opérationnel précis dexécution de cet engagement na été défini. Par ailleurs, l'accord sur l'agriculture pourrait aussi nuire aux pays africains qui tirent actuellement avantage des protocoles daccord relatifs aux produits de base de la Convention de Lomé, dans la mesure où il restraint et limite les possiblités pour l'UE de fournir aux pays ACP l'accès de son marché à des quantités agréés à des prix garantis.

b) Industrie

Les réductions tarifaires industrielles, fruit de lUruguay Round sont en moyenne de 43 % pour les produits manufacturés. Les groupes de produits industriels exportés par lAfrique les plus favorisés sont le bois et ses produits dérivés, les produits chimiques et les produits minéraux. Plusieurs pays ont beaucoup à gagner de la révision à la baisse de la progressivité des droits pour des groupes de produits comme le bois et le papier, les articles en cuir, et les produits dérivés du tabac.

En revanche, la progressivité des droits demeure significative pour les boissons et fruits, et a même augmenté pour le cacao (en raison de la suppression des droits sur les fèves de cacao), ce qui porte préjudice aux activités de transformation en Afrique. En outre, plusieurs produits dexportation dune importance particulière pour les pays africains, dont le poisson et les produits dérivés du poisson, les textiles et lhabillement, les articles en cuir et en caoutchouc, nont bénéficié que de modestes réductions tarifaires et continuent donc dêtre soumis à des droits assez élevés.

Les accords de lUruguay Round réduiront fortement les obstacles non tarifaires auxquels se heurtent les exportations africaines sur les marchés de lOCDE. Globalement, la part des exportations dAfrique subsaharienne se heurtant à ces obstacles tombera de 13,1 % à 8 %. Les pays qui devraient en bénéficier au premier chef sont Maurice, Le Cap-Vert, le Congo, le Malawi, le Sénégal et le Burkina Faso. Les exportateurs africains de produits pétroliers et de dérivés du poisson quant à eux sont privés de ces avantages.

En ce qui concerne les textiles et les vêtements, les accords de l'Uruguay Round vont réduire drastiquement les barrières non-tarifaires sur les marchés de l'OCDE du fait de la disparition progressive de l'accord multifibre. Un certain nombre de pays africains ont développé des marchés à l'exportation pour les textiles et l'habillement industriel durant les deux dernières décades, tandis que beaucoup d'autres sont des exportateurs potentiels. Comme les exportateurs africains bénéficient actuellement d'un traitement en franchise de droit sur le marché de l'UE et sont exemptés des quotas de l'UE pour l'accord multifibre, la disparition progressive des restrictions de l'accord multifibre sur le marché de l'UE augmentera le défi de la compétitivité pour les exportateurs africains venant d'autres fournisseurs du marché de l'UE, quoiqu'à court terme les exportateurs africains retiendront leur avantage tarifaire préférentiel sur le marché de l'UE.

c) Services

Les services représentent un segment dynamique et une part croissante des transactions internationales, qui sétablit à 25 % du commerce mondial et à 60 % des flux dinvestissement direct étranger. La plupart des pays africains nont encore guère libéralisé leurs secteurs des services, bien que certains sy soient engagés pour ce qui est du tourisme et des services connexes, ainsi que pour les services aux entreprises, les services financiers, les transports, et les services de construction et dingénierie.

Cette libéralisation pourrait attirer linvestissement direct étranger et améliorer lefficacité des services dans les secteurs de la finance, de lassurance, des transports, et des communications, tous particulièrement importants pour le développement du secteur privé et des exportations. Cependant la réticence à légard de la libéralisation constatée dans toute la région tient sans doute à la crainte de voir ce déficit saggraver sensiblement à court et à moyen terme en cas de poursuite de la libéralisation des services, ce secteur expliquant actuellement un tiers des déficits du compte des transactions courantes constatés dans la région. Et à cette crainte sajoute celle dexposer les prestataires de services locaux à une rude concurrence.

d) Autres aspects

Les accords de lUruguay Round comportent de nombreuses règles nouvelles, ou plus strictes, qui soulèvent une vive inquiétude parmi les pays africains. Au premier rang de celles-ci figurent le resserrement des disciplines relatives à lemploi de subventions à lappui de la production et de lexportation de produits agricoles et industriels, aussi bien que l'utilisation de certaines mesures d'investissement liées au commerce pour la promotion du développement industriel. En ce qui concerne les subventions, deux types sont prohibées -- celles liées aux exportations et celles liées à la promotion de l'utilisation de produits domestiques au détriment des produits importés. En ce qui concerne les subventions à l'exportation, la plupart des pays africains sont soit dispensés de se conformer à ces disciplines, parce quils appartiennent au groupe des pays les moins avancés ou parce quils ont un revenu par habitant inférieur à 1 000 dollars, soit ils ont au moins huit ans (et ce délai est susceptible dêtre prolongé) pour supprimer les subventions à lexportation interdites. De même, pour ce qui est des autres règles et disciplines, lexistence de périodes transitoires donne aux pays africains concernés loccasion dexaminer et, le cas échéant, dadapter leurs politiques et instruments juridiques de manière à pouvoir sy conformer.

Les périodes transitoires prévues ne veulent pas pour autant dire que les pays africains nauront pas à faire face à des charges non négligeables. Les nouvelles règles relatives à la protection conférée par un brevet et aux droits de propriété intellectuelle, par exemple, font que les pays africains devront éventuellement payer plus cher pour acquérir technologies, livres, médicaments et autres produits pharmaceutiques, et quils verront le coût en devises des redevances plus élevées quils doivent acquitter augmenter.

2. Problèmes nouveaux et émergeants à l'ordre du jour en matière de commerce international

Les normes du travail et la protection de lenvironnement sont parmi les « nouvelles » questions du calendrier commercial qui ont une incidence sur les pays africains. Souvent, en effet, leur avantage comparatif tient à une production faisant appel à une main-doeuvre non qualifiée et tirant parti des ressources naturelles. Cet avantage comparatif disparaîtrait effectivement si lOMC faisait respecter des normes du travail et de protection de lenvironnement trop dispendieuses Cest pour cela que la Conférence ministérielle de lOMC, tenue à Singapour, a convenu que lavantage comparatif des pays en développement à bas salaires ne devait absolument pas être mis en cause, et que lOMC ne devait pas se substituer à lOrganisation internationale du travail, qui demeurait lorgane ayant compétence pour fixer les normes essentielles du travail. La question des normes environnementales doit de même être tranchée de manière à ce que létiquetage écologique ne privilégie pas exagérément la protection des ressources naturelles, au détriment du développement et de lexportation des matières premières et produits transformés africains.

La Conférence ministérielle de lOMC de Singapour a enclenché plusieurs mécanismes dexamen dautres questions nouvelles, comme linvestissement, la politique de la concurrence, la transparence de la passation des marchés publics, et la facilitation du commerce. Les processus amorcés pourront éventuellement servir de base à de futures négociations qui aboutiront, peut-être, à linstauration de nouvelles règles et disciplines de lOMC. Comme ces nouvelles règles et disciplines en gestation influeront sur le cadre dans lequel ils doivent opérer, les pays africains doivent sengager pleinement dans le processus de lOMC, en y exprimant leurs intérêts de manière approfondie, et semployer à les promouvoir et à les protéger.

3. Renforcer la participation africaine à lOMC

L'OMC est opérationnelle depuis 1995. Aujourd'hui tous les pays africains (à l'exception du Cap Vert, des Comores, du Congo, de l'Ethiopie et du Libéria) sont membres de l'OMC, et 24 des 29 pays les moins avancés, membres de l'OMC sont en Afrique. Bien qu'ils soient membres, les pays africains ne participent pas activement et effectivement dans les activités de l'organisation. Plusieurs pays africains n'ont pas de délégations au siège de l'OMC à Genève pour leur permettre de participer soit dans le processus de négociation ou dans le travail régulier de l'OMC. De plus, les délégations de ces pays qui ont une représentation à Genève sont très petites et couvrent aussi d'autres institutions internationales.

Actuellement, la plupart des pays africains ont une capacité limitée pour pouvoir contribuer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des décisions de lOMC, ou les appliquer. Ils ne sont donc pas à même dexpliciter pleinement leur intérêts commerciaux et de les défendre, ni de se prévaloir des droits que le dispositif de lOMC leur confère. Pour pouvoir véritablement participer, chaque pays doit être à même détudier les accords existants et dévaluer leurs implications, comme dadopter et dexprimer des positions appropriées lors des négociations suivantes.

Plusieurs volets des accords de lUruguay Round prévoient un «traitement différencié et plus favorable» pour les pays en développement et les pays les moins avancés, en leur offrant des périodes transitoires plus longues pour satisfaire à certaines exigences, ou en les dispensant de certaines obligations. Le Plan daction de lOMC pour les pays les moins avancés comporte aussi des mesures positives, y compris un accès en franchise de droits, visant à élargir les marchés et à augmenter la capacité globale de ces pays à mieux saisir véritablement les opportunités quoffre le système commercial.

Toutefois, il se pourrait bien que ces dispositions soient en fin de compte appliquées « de manière autonome » ou volontaire, qui réduirait leur utilité. Sauf pour ce qui est de la formation et de la diffusion de linformation, une grande partie de laide apportée par lOMC est subordonnée aux mesures prises volontairement par ses pays membres développés. Ainsi, même loffre faite aux pays les moins avancés de financer la participation de leurs représentants, pour les associer davantage aux réunions de lOMC, est subordonnée à lapport de contributions strictement volontaires. Lengagement pris dassurer aux pays en développement assistance et conseils juridiques par lintermédiaire du Secrétariat de lOrganisation, pour le règlement des différends constitue probablement une heureuse exception.

Labsence de participation véritable et soutenue des pays africains à laction de lOMC tient à des problèmes de coût et dinsuffisances de capacités humaines et institutionnelles. Les pays africains pourraient résoudre ce problème en mettant en commun leurs ressources et en créant, ou renforçant des institutions, à léchelon de la région ou de sous ensembles régionaux, de manière à étayer leur participation. Les compétences requises pourraient facilement être mises en place de manière plus économique au sein de pareilles institutions quà léchelle dun pays, et ces institutions pourraient à la fois représenter leurs pays membres à lOMC et négocier en leur nom. Une deuxième option peut consister à mettre en place un système de représentation par des administrateurs représentant chacun un groupe de pays, et dont les bureaux seraient éventuellement financés et dotés de personnel comme le sont les institutions financières internationales.

C. Mondialisation de léconomie, régionalisme et échanges africains

1. Mondialisation de léconomie

La mondialisation de léconomie, qui se caractérise par lexpansion rapide du commerce international et la croissance plus rapide encore des flux financiers transfrontières, notamment sous forme dinvestissements directs, est devenue un processus inévitable dont lenvergure ne cesse daugmenter. À léchelle mondiale, le chiffre daffaires journalier des marchés des changes qui inclut toutes sortes de flux financiers trans-frontaliers entre zones monétaires dépasse maintenant le trillion de dollars, tandis que le montant annuel des exportations de marchandises est passé à cinq trillions de dollars. Les progrès technologiques, notamment dans les domaines des transports et des télécommunications, permettent de transférer pratiquement instantanément des informations dans le monde entier et rendent le déplacement des personnes et des produits moins coûteux, plus rapide et plus fiable. Cette évolution a pour effet détendre les contacts internationaux et de faciliter lintégration des marchés nationaux. Le processus de déréglementation des marchés des services, notamment financiers, stimule de même lexpansion des finances internationales et la mondialisation des marchés des capitaux, et intensifie les pressions quexerce la concurrence sur ces marchés.

Les économies des pays qui poursuivent une stratégie d'ouverture, et qui libéralisent et déréglementent leurs régimes du commerce et des investissements, sintégreront de plus en plus à léconomie mondiale. Cette intégration a pour avantages de faciliter laccès aux technologies, daccroître les possibilités daccès à des sources de financement moins onéreuses, de rendre lallocation des ressources plus efficace, de rehausser la qualité des produits et lefficacité des opérations, et daméliorer la compétitivité. En augmentant les flux de capitaux privés et leur mobilité, la mondialisation de léconomie favorise aussi lessor des investissements.

Cependant, la mondialisation ne va pas sans défis. En particulier, laugmentation rapide des flux de capitaux, ainsi que les nouvelles technologies quils incorporent, profite aux marchés les plus attrayants. À moins que les pays les moins avancés ne réussissent eux aussi à attirer ces flux, la concentration croissante des capitaux risque de contribuer à perpétuer les inégalités actuelles au plan des capacités productives, des opportunités d'emploi, des revenus et des niveaux de vie. De la même manière, en raison de lasymétrie de la réduction des restrictions aux échanges, les pays plus développés, dont les biens et services bénéficient dune libéralisation plus rapide et plus importante du commerce, tirent davantage de gains de la mondialisation de léconomie.

La mondialisation pose également de graves défis au plan de la gestion économique, car elle réduit laptitude des différents États à gérer de manière autonome leurs politiques monétaires et budgétaires. Elle peut rendre les économies des pays en développement de plus en plus vulnérables à des « chocs » causés par léconomie mondiale, allant des « sautes dhumeur » des marchés internationaux des capitaux qui touchent tous les pays, quelles que soient leurs conditions économiques, à linstabilité inhérente des prix des produits primaires et des mouvements des taux de change. Des réorientations des flux de capitaux dune ampleur négligeable par rapport aux normes internationales peuvent provoquer des variations importantes des taux de change réels des pays africains dont les marchés des capitaux sont encore peu développés et diversifiés. Étant donné quune gestion appropriée des taux de change est essentielle au succès de politiques commerciales axées sur le développement, il est important que les responsables de laction publique en Afrique conservent une certaine maîtrise des flux de capitaux internationaux.

Il pourrait être utile de tenter de réduire le plus possible les effets négatifs potentiels de certains aspects de la mondialisation. Cependant, il sagit avant tout pour les pays africains dentreprendre, individuellement et dans le cadre de groupements appropriés, les réformes de leurs politiques, structures et réglementations qui leur permettront de mieux sintégrer à léconomie mondiale. Le pire serait pour eux de se trouver mis en marge et exclus des opportunités offertes par la mondialisation.

2) Blocs commerciaux régionaux

Bien que la formation de blocs commerciaux régionaux ne soit pas un phénomène nouveau, ces arrangements prennent plus dimportance depuis quelques années. Ce regain de popularité tient à plusieurs facteurs. Plusieurs des grandes nations commerçantes ont opté pour le régionalisme en partie pour éviter la plus grande lenteur et complexité de négociations dans le cadre du GATT/OMC, et en partie pour des raisons stratégiques face aux mesures prises dans dautres régions. Il semble en outre plus facile daboutir à un rapprochement des politiques commerciales lorsque les négociations concernent des groupes de pays moins nombreux et plus homogènes.

Les pays en développement souhaitent de plus en plus conclure des arrangements commerciaux régionaux avec des partenaires plus développés, estimant que cette formule leur assurera un plus large accès aux marchés que des accords multilatéraux. Ce type dintégration régionale Nord-Sud offre plusieurs avantages supplémentaires aux pays en développement. La conclusion dun accord commercial avec un pays ou groupe de pays économiquement avancé peut les aider à réformer leurs politiques intérieures, en les protégeant des intérêts locaux opposés à ces réformes. Elle peut aussi servir de base à un meilleur ancrage des réformes et à la mise en place ou au renforcement des institutions, politiques et réglementations nécessaires à la création dun environnement macroéconomique plus stable et plus favorable à la croissance. Globalement, les avantages de ces arrangements commerciaux peuvent stimuler la croissance des pays en développement en accroissant les investissements directs étrangers, en accélérant le transfert et la diffusion des technologies, et en intensifiant la concurrence.

Toutefois, lintégration complète dune économie en développement à des économies développées sans transition adéquate ou une période d'adaptation peut entraîner des perturbations traumatisantes et imprévues. Cest lorsque les pays concernés en sont à peu près au même stade de développement que les accords dintégration totalement réciproques ont le plus de chances de profiter aux divers partenaires. Les pays en développement tireront donc probablement le maximum davantages daccords dintégration avec des pays développés prévoyant dabord des concessions tarifaires asymétriques pour aboutir progressivement à une réciprocité totale.

Cette mise en garde ne signifie pas que les pays africains doivent remettre à plus tard la conclusion darrangements avec les blocs commerciaux en voie de formation, car il pourrait leur être très profitable de sy associer au plus tôt. Ces liens pourraient faciliter leur accès aux marchés les plus importants et les plus riches du monde. Ils pourraient aussi leur permettre dinfluer sur les négociations engagées pour définir les règles applicables aux échanges mondiaux et au traitement des questions commerciales, ces négociations étant essentiellement menées entre les grands blocs commerciaux régionaux influents.

3. Intégration régionale et échanges entre pays africains

De toutes les régions du monde, cest probablement lAfrique qui fait lobjet du plus grand nombre de mécanismes de coopération et dintégration régionales. La plupart de ces mécanismes souffrent toutefois de différents problèmes conceptuels, structurels et opérationnels. La préférence ayant été donnée à des mécanismes formels dintégration du commerce et des marchés des facteurs, on a souvent retenu des modèles assez ambitieux dintégration régionale. Or, ces modèles sont particulièrement mal adaptés à la réalité africaine et difficiles à mettre en place, en grande partie du fait que les pays membres produisent des produits primaires rivaux et que leurs systèmes de production ne sont donc guère complémentaires.

Les systèmes africains dintégration régionale ont aussi subi les effets négatifs de plusieurs autres facteurs : manque de volonté politique dhonorer les engagements pris, crainte de compromettre la souveraineté nationale, insuffisance des compétences techniques et des capacités de gestion, volonté de protéger les recettes budgétaires tirées des taxes sur le commerce extérieur, et incertitudes quant à la distribution des gains et des pertes associées à lintégration. Dautres contraintes ont également joué, comme lexiguïté des marchés nationaux, la faiblesse des revenus par habitant, la capacité limitée des industries manufacturières, et la médiocrité des infrastructures de communication et des équipements de transport à léchelle nationale et régionale.

Les mécanismes africains dintégration régionale nont donc pas permis daccroître les échanges au sein de la région, ni a fortiori le commerce international. Il y a eu quelques récentes tentatives pour pousser plus loin et renforcer l'intégration par des approches plus pragmatiques visant à une harmonisation plus étroite des politiques de réformes et de libéralisation commerciales. Ces tentatives, fondées sur des réformes privilégiant l'ouverture sur l'extérieur et qui sont en train d'être mises en oeuvre aujourd'hui dans un certain nombre de pays africains, ont probablement des chances de réussir dans la promotion d'une intégration effective et d'un commerce intra-africain accru. La clé de leur succès sera l'élimination des barrières ou commerce trans-frontalier et aux flux d'investissements.

Malgré les problèmes que posent nombre des mécanismes dintégration régionale déjà mis en place, la coopération nen demeure pas moins une nécessité évidente pour les nombreux petits pays de la région. Les modalités de cette coopération et de cet effort dintégration devront toutefois répondre à certaines exigences fondamentales. Elles devront faire une large place à louverture sur lextérieur dans le cadre dune stratégie de développement à long terme visant à promouvoir une croissance impulsée par lexportation. Elles devront aussi être axées sur la coordination et lharmonisation des réformes actuellement mises en place par les divers pays, afin que les sous-régions intégrées puissent tirer parti des « effets dentraînement » de la croissance.

Les programmes dintégration devront aussi, et cest là un élément important, impliquer une participation active du secteur privé dont les décisions joueront un rôle déterminant en matière dinvestissement et de commerce transfrontières. Cela exige la mise en place des mécanismes institutionnels et des capacités danalyse nécessaires pour soutenir la collaboration entre ladministration et les milieux daffaires. En outre, laccent devra être mis sur une coopération fonctionnelle en vue de la réalisation en commun de projets devant bénéficier aux diverses parties, en particulier dans des domaines comme les transports et les communications, en contribuant à une réduction substantielle des coûts de transaction élevés qui caractérisent actuellement lAfrique.

Il sagit fondamentalement, par ladoption de nouvelles approches, de donner aux mécanismes actuels dintégration régionale la souplesse et le pragmatisme qui leur permettront douvrir la voie à lintégration des marchés lorsquil aura été remédié aux insuffisances des infrastructures de base qui font actuellement obstacle aux flux intra-africains de marchandises, de facteurs, et dinvestissements. En contribuant à la réalisation de cet objectif, les mécanismes dintégration intra-africains pourraient devenir dimportants moyens dexploiter les avantages dune expansion du commerce intra-régional et de préparer les sous-régions concernées à sintégrer à léconomie mondiale.

En particulier, ces mécanismes pourraient aider les petites économies africaines à former de vastes marchés sous-régionaux qui donneraient aux producteurs et aux secteurs relativement inexpérimentés la possibilité de développer leur aptitude à soutenir la concurrence, daméliorer leur efficacité, de bénéficier déconomies déchelle et dapprendre les uns des autres. Lexpérience quils auront acquise en opérant sur des marchés sous-régionaux protégés pourrait leur être utile pour se préparer à affronter la concurrence à léchelle mondiale. En outre, la mise en place de programmes dintégration sous-régionaux mettant davantage laccent sur louverture à lextérieur permettrait de constituer de plus vastes marchés qui pourraient favoriser le développement des échanges et les apports dinvestissements de partenaires extérieurs, et pourrait servir de base à létablissement de liens institutionnels avec dautres blocs commerciaux, dont lUnion européenne.

RENFORCEMENT ET AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE COMMERCIALE DE LAFRIQUE

Pour accélérer leur croissance, les pays africains doivent poursuivre les réformes économiques quils ont récemment entreprises et adopter des politiques davantage axées sur le commerce extérieur. Ils devront pour cela chercher à revitaliser leur performance commerciale par ladoption de stratégies et de mesures mûrement réfléchies. Il est particulièrement urgent dagir dès 1997 parce que le commerce mondial va faire lobjet dimportantes décisions dans le cadre de lOrganisation mondiale du commerce et que dimportantes négociations sont en préparation sur lavenir des relations entre lUnion européenne et les États ACP au titre de la Convention de Lomé.

A. Mesures à prendre à léchelle nationale pour revitaliser les exportations

Les perspectives dexpansion des exportations et délargissement de la part du commerce mondial revenant à lAfrique sont indissociables des conditions propres à chaque pays : stabilité politique et sécurité, adéquation des politiques macroéconomiques, solidité du cadre institutionnel, disponibilité de services dinfrastructure et dautres services dappui, cadre réglementaire et régime des incitations. En outre, les pays africains doivent prendre des mesures pour être à même de participer plus activement aux négociations commerciales internationales.

1. Stabilité économique et politique, et ouverture sur lextérieur

Cadre politique et gouvernance : Pour accroître les exportations, il faut dabord gagner la confiance des entreprises, des investisseurs et autres agents économiques. Linstauration dun tel climat de confiance implique divers éléments : stabilité politique et sécurité ; transparence et responsabilisation de lexécutif et de ladministration ; primauté du droit, de sorte, en particulier, que les contrats puissent être équitablement appliqués ; mise en place dun cadre réglementaire de nature à faciliter linvestissement et les transactions commerciales, et élimination des mesures de réglementation et de contrôle complexes et non transparentes qui sont une source de perte de temps ; et absence générale de comportements de maximisation de la rente et de corruption dans les transactions gouvernementales.

Stabilité macroéconomique: Lapplication de saines politiques macroéconomiques est également indispensable pour encourager les investisseurs des branches dactivité exportatrices. Pareilles politiques passent par le maintien de taux de change compétitifs et lapplication dune politique monétaire appropriée, impliquant notamment la détermination des taux dintérêt par le marché, afin de maintenir linflation à un faible niveau et de créer un environnement favorable à linvestissement et à lactivité commerciale.

Ouverture sur lextérieur: Ces dernières années, les pays africains ont pris dimportantes mesures pour libéraliser leur régime commercial. Beaucoup de pays ont en grande partie remplacé leurs restrictions quantitatives aux échanges par lapplication de droits de douane moins élevés et moins dispersés. Dans plus de la moitié des pays, ces droits sont en moyenne de 15 à 20 % (les plus élevés tournent autour de 35-40 %), et le nombre des catégories tarifaires a été ramené aux environs de cinq. Certains pays ont aussi libéralisé le commerce en éliminant les éléments qui tendaient à décourager les exportateurs. Plusieurs ont, en outre, cherché à encourager directement lexportation, en instaurant par exemple un système de rembours des droits de douane ou de dégrèvements fiscaux.

Il est de plus en plus reconnu quil faudra continuer à minimiser et à éliminer les obstacles à lexportation par de nouvelles mesures de libéralisation du commerce extérieur. Sil subsiste une controverse, cest de savoir jusquoù il faut aller, et à quel rythme, dans la réduction des droits de douane. En principe, une diminution rapide de ces droits aurait pour effet à long terme de promouvoir les exportations et la compétitivité en rapprochant les prix intérieurs des prix internationaux, tandis que labaissement des taux de protection pourrait encourager et contribuer à l'amélioration de la compétitivité et lefficacité technique des producteurs, notamment des producteurs de biens exportables.

2. Rôle moteur du secteur privé

Il est largement reconnu que lexistence dun secteur privé actif et dynamique est dune importance cruciale pour encourager le développement de léconomie et la croissance des exportations. Les pays qui ont appliqué avec succès une stratégie de croissance à forte composante dexportations ont immanquablement confié un rôle clé au secteur privé, en établissant des relations de collaboration et daide mutuelle entre les pouvoirs publics et les entreprises. Dune manière générale, plus les programmes dexportation sont laissés à linitiative des entrepreneurs privés capables détablir des liens internationaux et moins ils sont contrôlés par lÉtat ou les entreprises publiques, plus ils ont de chances de réussir.

Pour être capable de jouer un rôle moteur dans lexpansion du commerce extérieur, le secteur privé de la plupart des pays africains devra améliorer ses compétences techniques, développer lesprit dentreprise et renforcer ses capacités de gestion ; et il devra aussi exploiter tous les canaux facilitant le commerce et qui sont disponibles, par exemple en utilisant les sources dinformation disponibles sur les marchés dexportation, en recourant à des sociétés de commerce pour lexportation de la production des plus petites entreprises, et en établissant des liens et des partenariats avec des entreprises étrangères ayant déjà lexpérience de la commercialisation de produits particuliers. Ces liens peuvent aller de la conclusion de contrats de représentation et de services jusquà lacquisition de savoir-faire technique et/ou commercial ou à la formation de co-entreprises. Ce type de collaboration peut aussi conduire à des investissements étrangers directs ou à la création de filiales africaines de sociétés étrangères. Celles-ci pourraient à leur tour être une source dexpertise technique, damélioration des compétences et daccès aux marchés, favorisant ainsi létablissement dun cercle vertueux dexpansion continue des exportations.

Laction gouvernementale devrait, elle aussi, favoriser le développement du secteur privé. Les avantages globaux des investissements étrangers directs sont tels que ceux-ci devraient bénéficier du même traitement que les investissements intérieurs, dautant plus que létablissement de liens entre sociétés étrangères et nationales est devenu la source la plus importante de flux dinvestissements et de transferts de technologie. Les gouvernements africains devraient donc népargner aucun effort pour faciliter linstauration de liens avec des partenaires étrangers et lacquisition de technologies étrangères « immédiatement disponibles ». En outre, la collaboration entre les secteurs public et privé pourrait être un moyen efficace de mettre en place des programmes globaux daide à la formation avec laide de bailleurs de fonds internationaux.

3. Améliorer la compétitivité des exportations

En matière de potentiel dexportation, le facteur déterminant est lavantage comparatif du pays, cest-à-dire son aptitude à fournir des produits de qualité à des prix compétitifs à léchelle internationale. Comme on la déjà mentionné, la compétitivité passe dabord par la stabilité macroéconomique. Une fois que cette stabilité est assurée, les principaux déterminants de la compétitivité sont le coût des intrants et des matières premières, le coût et la productivité de la main-doeuvre, les services dinfrastructure, notamment dans le domaine du transport, de lénergie et des communications, et les services liés à lexportation comme les services de manutention portuaire, dexpédition, dassurance et de crédit.

Coût et productivité de la main-doeuvre : Si les pays africains veulent améliorer leur compétitivité en matière de coûts unitaires de main d'oeuvre, ils doivent s'attaquer aux problèmes de la limitation des compétences et les rigidités du marché du travail, entre autres choses. Il est essentiel daccroître la productivité de la main-doeuvre pour assurer la compétitivité des entreprises à long terme et cette amélioration exigera la prise de mesures dans plusieurs domaines clés. Il faudra notamment améliorer la quantité et la qualité du capital physique mis à la disposition de la main-doeuvre. Pour accroître linvestissement, il faudra mobiliser lépargne intérieure et attirer davantage dinvestissements directs étrangers. La « capacité dapprentissage » de la main-doeuvre est également un facteur important et le meilleur moyen de faciliter cet apprentissage est la mise en place dun solide système déducation générale et dun cadre institutionnel favorable à lamélioration des compétences. Cela exigera une augmentation des investissements publics affectés à léducation et à la formation. Enfin, lapplication de réformes visant à déréglementer les marchés du travail pour éliminer les rigidités du marché des facteurs permettra de mieux adapter le niveau de lemploi et les salaires à la productivité des travailleurs.

Équipements et services dinfrastructure : Même si lenvironnement macroéconomique est stable et exempt de distorsions, il ny aura pas de réaction dynamique et durable de loffre du secteur privé si celui-ci ne peut sappuyer sur une infrastructure suffisante, fiable et bien entretenue. La disponibilité de services dinfrastructure fiables réduit les coûts et améliore les possibilités des investisseurs. Comme on la déjà mentionné, linsuffisance des investissements affectés depuis 1960 à la mise en place et à lentretien des infrastructures de transport quil sagisse des routes, des chemins de fer, des ports, des transports aériens ou des télécommunications a considérablement alourdi les coûts de production et dexportation, portant ainsi préjudice à la compétitivité.

Des coûts portuaires et de frêt, provenant de l'inefficacité et du manque de concurrence dans ces domaines induisent des coûts additionnels pour les exportateurs africains. Bien que ceci soit souvent négligé ou mal compris, il est également établi que les coûts de transports internationaux sont considérablement plus élevés pour les exportateurs africains que pour leurs concurrents. Par exemple, la part nette des coûts de transport et dassurance est en moyenne de 42 % pour les dix pays africains enclavés dont les exportations impliquent des coûts de transit supplémentaires. En outre, dans la plupart des cas, les frais portuaires sont beaucoup plus élevés en Afrique quen Europe ou en Asie.

Les investisseurs qui pourraient sintéresser à lAfrique se disent souvent préoccupés par la qualité médiocre des télécommunications. Le nombre de lignes téléphoniques est lun des plus faibles au monde, seulement 0,4 pour 100 habitants, alors quil est dix fois supérieur en Asie et plus élevé encore en Amérique latine. Le mouvement de privatisation des télécommunications qui sest amorcé en Afrique semble être la clé de la modernisation de ce secteur. La fiabilité des compagnies d'eau et d'électricité, tout comme l'établissement d'un système de prix compétitif, sont aussi des domaines requérant l'attention.

Des réformes radicales des politiques et du cadre réglementaire sont indispensables pour améliorer lefficacité et réduire le coût des équipements et des services de transport et de communication en Afrique. Par exemple, la déréglementation pourrait encourager le développement de la concurrence dans le secteur des transports internationaux et réduire sensiblement le coût de fret. Il serait également important de déréglementer et de simplifier les opérations de contrôle aux frontières qui sont une source notable de retard et de corruption.

Assurance et crédit à lexportation : Conformément aux normes du commerce international, les exportateurs ne reçoivent le paiement de leurs produits quaprès que lacheteur étranger a accusé réception des marchandises. Les exportateurs doivent donc se protéger contre les risques liés au crédit fait à leurs acheteurs, et aussi contre le risque de retards de paiement anormaux et dune éventuelle défaillance de lacheteur. Ces risques sont normalement couverts par les programmes dassurance, de garantie et de crédit à lexportation mis en place et gérés par le secteur public.

Autres coûts de transaction : Aux coûts de transport, de transit et dexpédition et autres frais connexes, sajoutent dautres coûts de transaction avant et après lopération dexportation. Avant lexportation, il sagit du temps et de leffort quexigent lidentification de débouchés dans le cas des exportateurs ou lidentification dun fournisseur, dans le cas dacheteurs et aussi du temps et des frais quimplique la négociation des contrats. Après lexportation, des contestations sur la conformité de la livraison ou sur les délais de paiement peuvent aussi être à lorigine de coûts. Ces coûts de transaction peuvent être minimisés par le recours à divers intermédiaires : agences de promotion de lexportation, associations professionnelles, grandes sociétés de commercialisation, représentants, sous-traitants et autres organismes ou réseaux privés.

4. Stratégie de développement des exportations

Comme on la mentionné précédemment, les exportations africaines souffrent de deux handicaps majeurs : le manque de diversification et la persistance de la concentration des exportations sur un nombre limité de produits primaires. Toute stratégie de développement des exportations africaines doit prendre en compte ces deux contraintes.

Revitalisation des exportations traditionnelles de produits primaires : Si lAfrique a vu se réduire sa part du marché mondial, en particulier pour les exportations agricoles, cest principalement parce que dautres régions sont devenues plus compétitives. Les pays africains doivent donc améliorer leur compétitivité sils veulent retrouver leur position antérieure. Sagissant des produits agricoles, les principaux investissements nécessaires au rétablissement durable de la compétitivité concernent la recherche, linfrastructure et les autres services dappui. À cet égard, les pays africains nont pas à sinquiéter du risque dune baisse des prix et dune réduction de leurs recettes sils parviennent à accroître leurs ventes par une amélioration de leur compétitivité. Pour un grand nombre de produits primaires, à lexception du cacao, la part du marché mondial revenant à lAfrique est très limitée, de sorte quune augmentation sensible des exportations africaines naurait pas deffet important sur les prix mondiaux.

Il en va généralement de même pour les exportations de produits minéraux. Pour diverses raisons distorsions des politiques, manque dentretien du matériel, problèmes posés par lobtention de devises pour lachat dintrants , la production a baissé pour plusieurs produits miniers. Leffort de prospection et de développement est insuffisant pour que de nouvelles capacités de production soient mises en service assez tôt pour compenser la diminution de la production des mines plus anciennes. On note toutefois dimportantes exceptions, certains pays ayant réussi à rétablir et à développer leur production et leurs exportations, par exemple le Ghana en ce qui concerne sa production dor.

Encourager la diversification des exportations : Par ladoption dune stratégie clairement définie, lAfrique peut diversifier ses exportations. Dans un premier temps, cette stratégie devrait être fondée sur lexploitation de lavantage comparatif dont jouit lAfrique pour les produits primaires, mais il faudra ultérieurement miser sur les possibilités offertes par le développement dindustries manufacturières à forte intensité de main-doeuvre.

Au delà des produits primaires traditionnels, les pays africains pourraient centrer leur effort sur la production et lexportation de produits non traditionnels, comme les fleurs coupées, les légumes frais et le coton (lequel peut faire partie des exportations traditionnelles de certains pays), et les produits minéraux non traditionnels. Lautre moyen plus prometteur dencourager la mise en place dun secteur dexportation dynamique et diversifié est de développer les activités « à valeur ajoutée » de transformation de produits primaires et les productions manufacturières à forte intensité de main-doeuvre. En matière de produits manufacturés, les pays africains ont encore beaucoup à faire, non seulement pour éliminer ou compenser les effets des éléments qui font encore obstacle aux exportations, mais aussi pour encourager par des incitations explicites et efficaces la diversification et la croissance des exportations de produits manufacturés. Parmi ces mesures daide et dincitations, pourrait figurer le développement des possibilités de financement et dassurance des opérations dexportation, des études de marché et des activités de promotion.

Dans ce contexte on peut invoquer des arguments plausibles à lencontre dune libéralisation rapide et complète du commerce. Lexpérience montre que la réaction de loffre et des exportations, en particulier dans le cas des produits manufacturés, peut ne pas être immédiate et que, dans lintervalle, la libéralisation risque davoir des effets négatifs sur les recettes publiques et de susciter aussi une brusque expansion des importations de produits manufacturés meilleur marché qui porterait préjudice aux producteurs nationaux. Ces réalités démontrent clairement quil peut être nécessaire de protéger lindustrie pendant une période d« apprentissage ».

Cependant, la décision sur le cadre et le maintien d'une telle protection devrait se baser sur quatre critères importants. i) Le taux tarifaire devrait être modique, de manière à en minimiser le coût et à exclure les « industries naissantes » intrinsèquement inefficaces. Des droits denviron 20-25 % devraient être suffisants à cette fin. ii) Les mesures de protection mises en place devraient être temporaires pour encourager un apprentissage rapide et de promptes améliorations de la productivité. Elles ne devraient pas pouvoir être prolongées ; la fixation de délais dune durée déterminée pourrait rendre cette politique de protection plus crédible aux yeux des investisseurs. iii) Les incitations offertes devraient être fonction de la performance et les critères dévaluation des résultats devraient être objectifs. Cela aurait pour avantage de rendre le système dattribution des incitations plus transparent. iv) Dans lintervalle, les exportations devraient faire lobjet daides et dincitations compensatoires.

5. Promotion des exportations institutions, politiques et incitations

Dans la plupart des pays africains, il est nécessaire de promouvoir expressément les exportations. Tandis que la réforme et l'abaissement des tarifs devraient être un trait essentiel de la libéralisation du commerce, on doit aussi prendre des mesures additionnelles pour compenser les obstacles à lexportation quimpliquent les politiques actuelles, celles-ci étant généralement axées sur la protection des industries de remplacement des importations.

Institutions et politiques de promotion des exportations : La mise en place dinstitutions nationales efficaces de promotion des exportations contribuera au succès des activités dexportation, en particulier lorsque les entreprises privées ne disposent pas des connaissances et des capacités nécessaires. La création de pareilles institutions rendra possible la fourniture de toute une gamme de services, qui pourront consister, par exemple, à identifier les possibilités dexportation, à planifier la recherche de clients à létranger, à organiser la participation à des foires commerciales, des activités publicitaires, des formations à la commercialisation, et à aider à la préparation détudes de marché.

Dune manière générale, il est bon de replacer lensemble de leffort de promotion des exportations dans un cadre institutionnel. Les mesures dincitation et de promotion des exportations peuvent être classées en deux grands groupes. Dans le premier, figurent les incitations liées aux intrants, qui visent à encourager les ventes à létranger en facilitant laccès aux intrants ou en réduisant leur coût. La seconde catégorie regroupe les incitations liées aux produits et inclut les aides apportées par les pouvoirs publics à la commercialisation à létranger et au contrôle de la qualité des produits exportés, les subventions directes à lexportation, la fourniture de crédits à lexportation à des conditions privilégiées et loctroi dexemptions fiscales particulières.

Les incitations liées aux intrants visent à aider les exportateurs à se procurer des intrants locaux ou importés aux prix du marché mondial. La mise en place de mesures qui permettent d'importer des biens d'équipement en franchise de droit et qui sont destinées à permettre aux exportateurs dacheter des intrants importés aux prix du marché mondial est nécessaire lorsque le gouvernement souhaite combiner une certaine protection de la production intérieure (pour sauvegarder ses recettes et/ou les industries naissantes) à la promotion des exportations par des mesures compensatoires et des incitations. La possibilité dimporter librement devrait être accordée à tous les exportateurs directs et indirects. Par exportateurs indirects, on entend les entreprises qui approvisionnent les producteurs de biens exportables, de même que les sociétés de commerce qui aident ces derniers à commercialiser leurs produits à létranger.

Les incitations liées aux produits consistent principalement à fournir des crédits à lexportation, parfois à des taux subventionnés, et à mettre en place des possibilités adéquates de garantie et dassurance des crédits à lexportation. Ces deux types daide sont particulièrement critiques pour les petits exportateurs et pour ceux dont lactivité exportatrice est relativement récente.

Zones franches industrielles: Lorsque des distorsions majeures découragent lexportation et que les gouvernements ne disposent pas des moyens financiers et institutionnels nécessaires pour encourager lexportation par des incitations applicables à lensemble de léconomie, la création de zones franches industrielles (ZFI) peut être la solution la plus rapide pour laisser les exportateurs commercer librement. Il est habituellement plus rapide daccorder ce statut spécial à une zone déterminée que de chercher à parvenir au même objectif par des mesures dapplication générale. Les exportateurs installés dans les ZFI peuvent importer leurs intrants en franchise, disposent déquipements et de services dinfrastructure adéquats, font lobjet dun régime réglementaire simplifié qui favorise leurs opérations, et bénéficient dexonérations fiscales temporaires et parfois, de financements à des conditions privilégiées.

Cependant, les avantages nets de cette solution ne sont pas nécessairement toujours très élevés. Les ZFI doivent faire lobjet dune planification rigoureuse pour garantir que leurs effets positifs ne seront pas annulés par les charges quelles imposeront aux gouvernements. Correctement planifiée, la création dune ZFI peut être une source davantages : création demplois, expansion et diversification des exportations, transfert de technologies, etc. En outre, les interactions qui en résultent peuvent permettre aux investisseurs étrangers daméliorer leur connaissance du pays, tout comme elles peuvent être pour le Gouvernement un bon moyen daccroître son expérience de la promotion des exportations. Il peut aussi en résulter une augmentation de la demande de matières premières et de biens intermédiaires locaux, qui contribuera à son tour à une augmentation de la valeur ajoutée.

6. Consultations entre le gouvernement et le secteur privé

Lexistence dun mécanisme efficace de consultation entre les administrations concernées et les exportateurs privés facilite la promotion des exportations. Ces instances de consultation regroupent normalement des représentants de haut niveau du gouvernement et de ladministration, des milieux daffaires et, en particulier, des exportateurs et, parfois, des travailleurs et des institutions denseignement et de recherche.

Ces instances de consultation favorisent léchange dinformations et le partage des analyses sur les marchés extérieurs, le degré de compétitivité et le cadre réglementaire des pays étrangers et les évolutions technologiques. Sur la base de ces échanges et de ces évaluations, il est possible de fixer des objectifs dexportation pour tel ou tel exportateur ou secteur dactivité. Le secteur privé aura ainsi la possibilité de faire connaître aux pouvoirs publics laide dont il a besoin et pourra aussi influencer lévolution de la réglementation et des politiques. Lexistence de comités consultatifs permet aussi dassurer la coordination entre les associations professionnelles du secteur privé.

Il est bien connu que la création dinstances délibératives a donné de bons résultats dans plusieurs pays dAsie de lEst. Les dispositifs de consultation mis en place garantissant normalement aux représentants du secteur privé quaucune initiative majeure ne sera prise en matière de politiques dexportation sans quils aient été dûment informés et invités à donner leur avis, ces mécanismes ont contribué à la formation dun consensus et à la crédibilité des politiques publiques. Ils ont aussi pour effet de responsabiliser les décideurs publics et de leur imposer une certaine modération en matière de règles, réglementations et politiques dexportation.

7. Participation plus active aux négociations commerciales

Les pays africains doivent mobiliser leur énergies et participer plus activement, et de manière mieux informée, aux négociations commerciales internationales. Pour protéger leurs intérêts, ils doivent améliorer leur expertise et leurs capacités institutionnelles pour être à même de traiter les divers aspects de ces négociations et de tirer parti des préférences, dérogations, et autres arrangements transitoires déjà mis en place en leur faveur. Les négociations en cours dans le cadre de lOMC revêtent une importance particulière pour lAfrique, de même que les négociations qui décideront prochainement de lavenir de la Convention de Lomé.

Il faut donc que les pays reconnaissent limportance du système commercial international et quils adoptent des politiques favorables à leur participation à ce système. Ils doivent aussi, par lallocation de ressources suffisantes et par la recherche active de laide nécessaire, améliorer leur aptitude à participer aux négociations internationales, à analyser les informations disponibles sur les tendances des marchés mondiaux, et à suivre, étudier et considérer les questions soulevées dans le cadre des discussions commerciales multilatérales.

B. La dimension internationale des exportations africaines

De toute évidence, cest aux pays africains eux-mêmes quil incombe de définir et dappliquer les stratégies et autres mesures appropriées qui favoriseront le développement et la diversification de leurs exportations. Au départ, ces stratégies gagneraient toutefois à recevoir une aide appropriée de la communauté internationale. Par la suite, les pays africains pourront dautant plus vite se passer daides étrangères quils réussiront à rejoindre les rangs des grands exportateurs. Les partenaires extérieurs des pays africains peuvent faciliter le processus en apportant un appui de diverses manières, en garantissant leur accès aux marchés, en continuant de leur apporter une aide, en encourageant les investissements directs, et en contribuant à lallégement de la dette et au renforcement des capacités.

1. Accès aux marchés

Parallèlement à lapplication de politiques visant à développer et à diversifier leurs exportations, les pays africains devront être assurés de trouver des débouchés stables et surs. Le maintien de louverture des marchés des pays de lOCDE et dautres régions aux productions africaines est donc dune importance cruciale pour soutenir les efforts de lAfrique. Comme on la mentionné précédemment, il serait très malheureux que les préférences instituées par la Convention de Lomé en viennent à être progressivement éliminées au moment même où beaucoup de pays africains appliquent avec succès des programmes de réforme qui leur permettront de tirer parti de ces préférences.

Lexistence dune forte volonté politique devrait permettre de parvenir à un accord, y compris au sein de lOMC, en vue du maintien des préférences de la Convention de Lomé. Comme lUnion européenne continue à absorber une part très importante des exportations de la plupart des pays africains, une modification abrupte des préférences qui leur sont actuellement consenties pourrait avoir de profondes répercussions négatives sur leurs exportations globales. Le maintien et de nouvelles améliorations du régime SPG contribueraient aussi au succès des efforts déployés par les pays africains pour accroître leurs exportations. Certains pays nappartenant pas à lUnion européenne, dont la Norvège, ont pris des mesures positives à cet égard.

Il y a des opportunités pour de nouvelles initiatives à prendre par les pays de l'OCDE dans ce domaine. Par exemple, en ce moment même (avril 1997), le Congrès des États-Unis examine un projet de loi contenant plusieurs dispositions visant à encourager les échanges commerciaux entre les États-Unis et les pays dAfrique subsaharienne et les flux dinvestissements vers ces pays. Ce projet implique de nouvelles réductions ou lélimination des obstacles tarifaires et non tarifaires aux importations en provenance dAfrique. Il est envisagé de commencer par supprimer le contingentement des exportations africaines de textiles et de vêtements vers les États-Unis ; les quotas imposés précédemment au Kenya et à Maurice doivent être éliminés. Le projet recommande aussi louverture de négociations en vue de linstauration dune zone de libre échange entre les États-Unis et lAfrique, ainsi que la mise en place, dans de brefs délais, dun forum de coopération économique entre les États-Unis et lAfrique subsaharienne qui pourrait ouvrir la voie à la négociation de létablissement dune zone de libre échange. Si lobjectif général daider lAfrique à passer dune situation de dépendance à légard de laide à létablissement dun partenariat fondé sur des flux déchanges et dinvestissements mutuellement bénéfiques est tout à fait souhaitable, il convient de veiller à ce que cela naboutisse pas prématurément à une réduction sensible de laide et à son élimination trop rapide.

Les deux autres géants du commerce mondial, lUnion européenne et le Japon, adopteront-ils une position similaire à celle des États-Unis en ce qui concerne les préférences et les relations commerciales à long terme avec lAfrique subsaharienne ? LUnion européenne renoncera-t-elle à être pour lAfrique celui de ses partenaires commerciaux qui lui accorde le plus de préférences ? Dans le cas de lUnion européenne, le défi est donc de parvenir au maintien, pendant une période de transition raisonnable, du régime préférentiel actuellement consenti aux pays africains, avec la possibilité darriver un jour à une relation plus équilibrée dans le cadre dune zone de libre échange. Le Japon, dont les préférences actuelles sont basées sur le régime SPG, pourrait sengager dans la même direction générale. Le système de lOMC devrait autoriser pareilles évolutions et les faciliter.

2. Renforcement de lexpertise africaine

Si la majorité des pays dAfrique subsaharienne nont pas réussi jusquici à profiter des régimes préférentiels que leur offrent les pays de lOCDE, cela tient en grande partie à ce que leurs secteurs public et privé ne disposent pas des capacités nécessaires. Lattention doit se porter en priorité sur lamélioration et le renforcement des capacités liées au commerce. Pour compléter les initiatives prises par les pays africains eux-mêmes et pour contribuer à lamélioration de leur expertise, les institutions du secteur public chargées des questions commerciales pourraient recevoir une aide extérieure en contribuant au développement du capital humain sous la forme dactivités de formation, de services dassistance technique, de voyages détudes et daccords de jumelage avec les mieux organisées et les plus performantes de leurs homologues dautres régions.

Plus encore que les gouvernements, le secteur privé gagnerait aussi à bénéficier dune aide extérieure pour améliorer ses capacités. Lun des premiers objectifs de cet appui devrait manifestement être de contribuer au perfectionnement des compétences et à la formation de la main-doeuvre pour accroître ses qualifications techniques. La productivité, la conception des produits et les normes de qualité revêtent une importance particulière pour lamélioration de la compétitivité. Sur le plan gestionnel et technique, les programmes devraient aider le secteur privé à porter lefficacité de lorganisation de la production et de la commercialisation au niveau quexigent aujourdhui les marchés mondiaux. En dernière analyse, c'est l'amélioration des capacités de l'entreprise qui aura le plus d'impact sur la compétitivité. Laide extérieure devrait donc être centrée sur lacquisition et le transfert de savoir-faire dans les domaines de la gestion, de la technologie et du commerce.

3. Aide au développement

Jusquà ce que les pays africains réussissent à développer leur production, à accroître lépargne tant privée que publique et à attirer des investissements étrangers, laide publique au développement restera leur principale source de financements extérieurs à lappui des investissements nécessaires à la croissance des exportations. Les efforts quont récemment entrepris un grand nombre de pays pour réformer leur économie en profondeur méritent dêtre appuyés par la fourniture régulière daides extérieures dun montant suffisant. Il ny aura pas de réaction vigoureuse et durable de loffre, sous la forme dune augmentation globale de la production et des exportations, sans investissements accrus dans linfrastructure et les services dappui à la production. À tout le moins au départ, ces pays ne pourront porter leurs investissements dans ces domaines et dans les secteurs sociaux critiques à un niveau suffisant que sils continuent à bénéficier de solides appuis extérieurs sous la forme dapports concessionnels.

Malheureusement, au moment même où un plus grand nombre de pays africains sengagent sur la voie de sérieuses réformes économiques et dune croissance tirée par lexportation, laide publique au développement diminue. Il est important de noter que, parallèlement à la compression de leurs budgets daide, les pays donateurs ont sensiblement réduit la part des projets de développement pour accroître celle des secours durgence. En outre, la part de lAPD affectée à linfrastructure, au transport et à lagriculture, cest-à-dire aux secteurs les plus importants pour promouvoir la croissance des exportations, a progressivement diminué.

4. Investissement étranger direct

Linvestissement étranger direct (IED) implique habituellement le transfert de technologies et de savoir-faire commerciaux qui permettent ensuite aux entreprises et aux pays daméliorer leur compétitivité et daccroître leurs exportations, et donc de renforcer leur intégration à léconomie mondiale. LIED contribue aussi au renforcement des capacités humaines et institutionnelles et à lamélioration des compétences de la main-doeuvre. Pour susciter une hausse significative des flux dinvestissements étrangers, lAfrique devra se faire mieux connaître et, en particulier, faire ressortir la différence entre les pays qui progressent sur le plan de la croissance économique et de la stabilité politique et ceux dont léconomie stagne, victime de conflits ou de linstabilité.

Les partenaires du développement de lAfrique pourraient jouer un rôle utile à cet égard. La première chose à faire pour la communauté internationale est de contribuer activement à faire connaître avec exactitude les améliorations que de nombreux pays africains ont déjà apportées à leur sécurité et à leurs politiques économiques. En outre, la diffusion dinformations également exactes sur le vaste potentiel inexploité des pays africains et sur les opportunités économiques considérables quils offrent contribuera utilement à la promotion de linvestissement. Sur la base dinformations exactes et fiables, les partenaires de lAfrique pourraient encourager activement lapport dinvestissements étrangers. En pratique, cela signifie aider les investisseurs à obtenir des prêts et des garanties, mettre en place de nouvelles possibilités de garantie des investissements et assurer aux pays africains la possibilité daccéder à leurs marchés à des conditions préférentielles. Le projet de loi quexamine actuellement le Congrès américain, dont il a été question précédemment, contient à cet égard plusieurs dispositions bienvenues.

5. Traitement de la dette

Les problèmes de développement des pays dAfrique subsaharienne sont exacerbés par lampleur de leur endettement. Le niveau relativement élevé de lencours de leur dette et la lourdeur des obligations de service qui en résultent compromettent les perspectives dinvestissement, de croissance économique et dexpansion des échanges commerciaux. En pratique, lendettement de lAfrique pénalise implicitement lamélioration de sa performance économique.

On est récemment parvenu à un large consensus sur lapproche à retenir pour résoudre les problèmes dendettement des pays pauvres très endettés (PPTE), dont la majorité se trouvent en Afrique. Mise au point dans le cadre de la Banque mondiale et du FMI, lInitiative PPTE exigera de chaque pays candidat quil établisse la validité de ses réformes et de ses politiques économiques en obtenant de bons résultats sur une période suffisamment longue. Tous les créanciers multilatéraux, bilatéraux et commerciaux devront alors prendre des mesures pour réduire lendettement du pays bénéficiaire afin de le ramener à un niveau soutenable. Dans le cadre de cette Initiative, les pays endettés pourront obtenir une réduction de leur endettement allant jusquà 80 %. Il est également prévu que les nouveaux financements extérieurs accordés à ces pays seront assortis de conditions concessionnelles. Tandis que progresse la mise en place de cette nouvelle approche, certains ont récemment préconisé « daller au-delà de lInitiative PPTE ». En tout état de cause, le principal objectif des opérations dallégement devrait être de ramener le service de la dette à un niveau soutenable et de rétablir la solvabilité du pays concerné.

6. Le rôle des organisations commerciales multilatérales et des institutions africaines

LOMC, la CNUCED et le CCI (Centre du commerce international) ont été chargés de prendre des mesures pour aider les pays africains à appliquer les accords issus de lUruguay Round. Ils ont aussi pour mission daider individuellement et conjointement les pays africains et renforcer leurs capacités dans ces domaines. En particulier, le plan daction conjoint OMC/CNUCED/CCI doit mettre laccent sur les ressources humaines, et sur le renforcement des capacités institutionnelles et administratives par la formation au sein des secteurs public et privé. Il est important que les pays africains soient dûment informés de ces possibilités afin de pouvoir en tirer parti. Dune manière générale, bien que les pays africains ne soient pas tous parvenus au même stade de développement et que leurs objectifs commerciaux ne soient pas identiques, leur volonté commune daccroître leur part du commerce mondial aura plus de chances daboutir sils se révèlent capables de négocier solidairement au nom dun seul groupe africain.

LOUA et la CEA ont aidé les pays africains à coordonner leur position au cours des discussions et négociations multilatérales. Elles doivent poursuivre et renforcer leur action dans le domaine du commerce international en apportant leur appui aux négociations liées à lOMC et aux relations entre lUnion européenne et les ACP. Ces dernières années, la BAfD a pris des mesures pour renforcer le secteur privé et promouvoir les productions destinées à lexportation. Ces trois institutions peuvent intensifier leurs efforts de promotion de lintégration régionale, laquelle contribuera au développement du commerce intra-africain. Les institutions dintégration sous-régionales peuvent aussi contribuer à lexpansion du commerce en facilitant le développement des échanges à lintérieur de leurs groupes respectifs, en encourageant les flux dinvestissements directs étrangers vers leurs plus vastes marchés « intégrés » et en contribuant à la collecte, à lanalyse et à la diffusion dinformations sur les débouchés possibles et les conditions à remplir pour soutenir la concurrence du reste du monde. Enfin, le lancement par lOUA, la CEA et la BAfD dun programme conjoint de renforcement des capacités dans ce domaine pourrait être un important moyen daider les pays africains à renforcer les effets du plan daction conjoint OMC/CNUCED/CIC/CCI.

CONCLUSION

Pour relever les défis de la mondialisation de léconomie, les pays africains devront sengager à procéder aux réformes nécessaires et s'orienter résolument vers une plus large ouverture de leurs économies sur lextérieur et une intégration plus étroite à léconomie mondiale. Les réformes et les mesures adoptées pour améliorer la compétitivité et les résultats à lexportation auront de meilleures chances de réussir si elles sinscrivent dans le cadre de réformes globales et dautres programmes de développement. La mise en oeuvre dans de bonnes conditions defficacité de la stratégie de développement des exportations décrite dans le présent document favoriserait la création demplois et contribuerait également de manière importante à la croissance générale de léconomie et à la réduction de la pauvreté. Structurée de manière satisfaisante, une stratégie de croissance fondée sur lexportation serait bien accueillie des éléments clés de la société civile et de lensemble de la population. Leur adhésion à cette stratégie sera dautant plus résolue et durable si la croissance doit reposer sur de larges bases et si les ressources, en particulier le supplément de revenus procuré par la croissance, doivent être équitablement partagées entre tous les éléments de la population. Si elle profite à tous, la croissance ouvrira la voie à linstauration dun climat économique et politique stable et favorable, qui contribuera lui-même à laugmentation des flux dinvestissements, à lintensification de lactivité économique et à lexpansion durable des exportations.

ANNEXE

Tableau 1: Croissance des exportations à l'échelle mondiale, 1980-95 (Accroissement annuel en %)

  1980-85 1985-90 1990-95
Monde -1.0 12.0 7.5
Afrique -8.0 5.0 0.0
Asie 5.0 13.0 12.0
Amérique Latine 0.0 6.0 9.0

Source: Organisation Mondiale du Commerce, Rapport annuel 1996

Tableau 2: Part régionale des exportations à l'échelle mondiale

 

1980 1985 1990 1995
Afrique 5.9 4.2 3.0

2.1

Asie 15.6 20.8 21.8 26.6
Amérique Latine 5.4 5.6 4.3 4.6

Source: Organisation Mondiale du Commerce, Rapport annuel, 1996.

Tableau 3: Part des pays en développement dans les importations de l'UE, 1976-1994 (%)

  1976 1980 1985 1990 1992 1994
ACP 6.7 7.2 6.7 4.7 3.7 2.8
Asie 4.2 5.9 6.5 11 13.6 13.1
Amérique Latine 5.3 5.1 6.5 4.6 5.1 5.4
Méditerranée 6.1 6.1 8.1 6.5 6.2 6.1
Tous PVD 44.8 42.4 34.7 31.2 29.2 34.2

Source: Données de Eurostat

ANNEXE

Tableau 4: Part des exportations africaines vers l'UE (moyenne 1990-92)

PAYS Exportations vers l'UE en % des exportations totales
Equatorial Guinea 99.05
Central African Republic 82.17
Niger 79.85
Mauritius 79.29
Uganda 75.00
Cameroon 74.38
Sierra Leone 73.21
Chad 68.00
Comoros 64.22
Zaire 63.76
Gambia 60.88
Congo 59.80
Seychelles 58.75
Rwanda 57.20
Côte d'Ivoire 55.71
Senegal 55.55
Guinea 55.23
Cape Verde 54.37
Mauritania 53.55
Liberia 52.97
Ghana 52.57
Benin 49.43
Burundi 48.00
Kenya 47.40
Malawi 47.29
Tanzania 46.36
Gabon 44.76
Swaziland 41.21
Nigeria 39.26
Ethiopia 37.90
Zimbabwe 36.32
Lesotho 35.03
Togo 33.58
Angola 32.54
Burkina Faso 31.55
Sudan 30.89
Mali 29.21
Botswana 28.58
Zambia 27.95
Sao Tome and Principe 27.20
Madagascar 26.74
Guinea Bissau 24.66
Mozambique 23.55
Somalia 21.68
Djibouti 08.06
Namibia  
Eritrea  
Africa 46.21

Source: Commission des Communautés Européennes,
Rapport Vert sur les relations entre l'UE et les pays ACP
à l'aube du 21 siècle, 1996.

 


 

 
   
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